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Blog de Luc Collès
23 août 2014

Échos du monde musulman N° 232

Adieu Mali,bonjour Sahel,


La carte ci-dessous indique « les États du Sahel » parties prenantes, avec la France, de
l'opération Barkhane qui succède à l'opération Serval au Mali.
Pour nos rares lecteurs non géographes rappelons que le « Sahel » (rivage) désigne la
bordure sud du Sahara, une zone où l'agriculture commence à réapparaître mais qui est
particulièrement sous-développée et soumise à des sécheresses fréquentes. Et dans laquelle
(coïncidence ?) se trouvent des combattants islamistes et des trafiquants, parfois les mêmes
personnes, mais qui ne semblent rassembler qu'une minorité des populations concernées. «
Rassembler » n'est d'ailleurs pas un terme adéquat, vu les divisions politiques, ethniques ou
tribales des mouvements islamistes locaux
Bien entendu les frontières politiques ne coïncident pas avec cette description
géographique, puisque le Nord de ces pays est totalement saharien et le sud de certains,
notamment le Mali, le Burkina et le Tchad sont en zone « humide ». Les frontières politiques
ne coïncident pas non plus avec la zone d'action des islamistes, puisque celle-ci se prolonge
au nord dans les régions sahariennes de l'Algérie et de la Libye (voire encore plus au nord,
mais nous sortons alors de notre sujet), et plus au sud avec le mouvement Boko Haram
puissant au nord-est du Nigéria avec incursions au Tchad et au Cameroun.
Cette opération Bakhrane repose sur les forces françaises décrites en bas de la carte.
La première réaction d'un lecteur non spécialiste des questions militaires est qu'il s'agit de
moyens très faibles par rapport à l'immensité du territoire concerné. Cela s'explique
notamment par la réduction constante en valeur réelle du budget militaire français. Cela met
aussi en lumière par comparaison l'efficacité très relative des forces africaines (tant nationales
qu'interafricaines), pourtant nettement plus nombreuses au moins sur le papier. Cela à
l'exception très remarquée des soldats tchadiens pendant l'opération Serval.
Par ailleurs les trafics et les bases terroristes visant largement notre continent, il est un
peu décevant que l'appui européen se borne à quelques actions de formation (il serait
intéressant de savoir en quelle langue, l'Europe, n'étant pas toujours habile dans ce domaine).
Idem pour les États-Unis, qui étaient censés avoir formé l'armée malienne avant sa débâcle
pré-Serval. Vous connaissez mon souci de savoir quelles langues sont pratiquées sur le terrain
(voir écho suivant).

L’Irak,les Kurdes et les Américains,suite


En Irak par exemple les Américains ont manqué d'arabophones et ont été à la merci
des Irakiens anglophones qui, soit résidaient aux ÉU et avaient perdu le contact avec l'Irak,
soit ont profité de l'ignorance américaine pour régler des comptes avec l'administration de
Saddam, désorganisant gravement le pays comme on l'a vérifié non seulement actuellement
avec l'EI, mais bien avant, car c'est la deuxième fois fois que les Américains sont amenés à
chercher un accord avec les tribus sunnites contre les djihadistes.
Je vous rappelle l'avis cité dans notre dernière lettre de Jean-Pierre Filiu via Le Monde
: « Seules deux forces sont aujourd'hui capables de relever dans la région le défi djihadiste :
les révolutionnaires syriens et les Kurdes d'Irak. ». Or il apparaît que les deux sont faibles, les
premiers n'ayant pas reçu d'armes des Occidentaux et les seconds étant plutôt les fils
embourgeoisés par l'argent du pétrole de guérilleros montagnards divisés en tribus, et peu
entraînés à se battre en plaine contre des chars. D'où les frappes aériennes américaines.
Depuis notre dernière lettre, l'ancien premier ministre Nouri Al-Maliki a finalement
démissionné et a laissé la place à Haïdar al-Abadi, du même parti chiite mais réputé plus
ouvert aux sunnites et au Kurdes. Il lui faut maintenant former un gouvernement d'union
nationale. Déjà, coïncidence ou pas, l'armée nationale appuierait les tribus sunnites se
révoltant contre l'EI dans l'ouest du pays.


Le Jihad avec l'Émirat Islamique,nouveau western?


Vous avez lu que des jeunes musulmans français vont combattre pour l'EI en Syrie et
en Irak après s'être gorgé (en général en cachette de leurs parents) de l'Internet islamiste qui
leur décrit des lendemains épiques, voire paradisiaques pour ceux qui auront la chance de
tomber en martyrs. Vous avez vu passer sur Internet ce sondage dont je n'arrive pas à trouver
la définition rigoureuse (donc prudence !!!!), d'après lequel 15 % « des jeunes » ont un avis
positif de l'EI (ou des islamistes ou des djihadistes, les versions varient. Appel à ceux qui
auraient une source précise !). Aux quelques centaines de Français effectivement partis
s'ajoutent autant d'Espagnols et probablement d'autres pays européens, ainsi que peut-être
3000 Marocains (d'après la presse marocaine) et bien d'autres.
Que deviennent-ils ? Une partie est tuée au combat, une grande partie des autres
revient extrêmement déçue, notamment les filles recrutées pour « appui moral ». Malgré une
solde de quelques centaines d'euros mensuels, donc pas négligeable, les conditions de vie, la
sévérité religieuse et la perplexité (pour ne pas dire plus) devant les massacres, semble
déclencher des vagues de retour. Il faut rappeler aux Occidentaux très soucieux à juste titre du
sort des chrétiens, et depuis peu des Yazidis, que les djihadistes massacrent surtout et
massivement d'autres musulmans, sunnites comme chiites.
Mais il ne serait pas si simple pour les déçus de partir discrètement de l'EI et de rentrer
tout aussi discrètement dans le pays de départ, où la police les attend.


Après laTunisie, l'Iran régularise


En Iran, comme en Tunisie depuis la révolution, jeunes gens et jeunes filles se
rencontrent plus librement et le mouvement est trop important pour être bloqué. Comme en
Tunisie, les religieux ont trouvé la solution : le mariage temporaire (sigheh). Il est de vieille
tradition en Iran où il « couvre » la prostitution ou la promiscuité (on peut pas toujours être en
tchador devant un ou plusieurs colocataires d'une chambre). Bref on officialise ce qu'on ne
peut empêcher.


L'échec d'Al Jézirah, América


Cette chaîne américaine implantée à grand prix il y a un an par sa mère qatarie n'aurait
que 15 000 auditeurs réguliers pour un investissement de 500 millions de dollars. Elle avait
pourtant parié sur la qualité et le sérieux en embauchant « des pointures », et ses concurrents
reconnaissent la qualité de ses reportages.
Mais l'image de la maison-mère arabe et propagandiste des Frères Musulmans lui colle
à la peau. Maison-mère qui également perdu de l'audience dans le monde arabe du fait de
cette propagande.

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